Lettre d'information

Pour une tombe chrétienne

livre de vie est donc une sorte d’équivalent de la résurrection. L’inscription du nom sur la tombe, la beauté de sa graphie, le symbole du livre de vie qui apparaît parfois, sont donc des éléments qui se conjuguent pour témoigner de la foi selon laquelle le salut de Dieu s’accompagne d’une nomination : « Au vainqueur, je donnerai de la manne cachée et je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit » (11).

La tombe est également lieu de mémoire dans la mesure où elle exprime une tradition : elle traduit l’inscription d’un peuple dans une histoire. L’art funéraire ne peut se poser comme l’expression de la sensibilité artistique d’une époque donnée. Il conjugue le passé et le présent en réinventant dans le présent les formes du passé. S’il est évident que l’art funéraire a été un lieu spécifique de la créativité artistique, au point que certains ont pu dire que « l’art était né funéraire », il n’en reste pas moins que ce fut plus le lieu des artisans que des artistes.

Et les monuments élevés à la mémoire des grands qu’ils soient rois comme à Saint-Denis ou papes comme à Saint-Pierre de Rome, viennent confirmer de manière paradoxale, ce que l’on peut considérer comme le « statut ordinaire » de la tombe. Lieu de mémoire, elle l’est par son caractère stéréotypé voir répétitif, à travers lequel l’humanité trouve l’expression du retour des morts à la masse des ancêtres. Ce caractère artisanal de l’art funéraire est à l’origine de traditions particulières qui confèrent aux cimetières de certaines régions une unité essentielle qui n’a rien à voir avec l’uniformité. On peut évoquer ici les cimetières basques avec leurs stèles discoïdales, ou certains cimetières italiens ou autrichiens.

Du point de vue chrétien, le caractère traditionnel de la tombe a souvent trouvé son expression dans les inscriptions que les générations ont répétées au long des siècles, parfois depuis l’Antiquité. La plus courante « Requiescat in pace » sous sa forme complète ou même sous sa forme abrégée « R.I.P. » a servi, par sa fréquence même, de lien entre les générations tant il est vrai que le signifiant était plus important que le signifié et que se trouvait ainsi manifestée l’appartenance à l’Eglise. On ne cherchera pas une conclusion à des propos qui n’avaient pas d’autre prétention que de baliser le terrain. Nous nous contenterons de souligner à nouveau la complexité de la question, en particulier dès que l’on veut tenir compte de l’éclatement de nos sociétés et des transformations profondes de l’ensemble des pratiques et mêmes des convictions qui touchent à la mort (12). On peut penser par exemple que la multiplication des incinérations modifiera en profondeur la manière dont les hommes conçoivent le

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