Une Union monétaire stable
: l'espoir d'une Europe solidaire
Déclaration des évêques de
la Commission des Conférences épiscopales
de la Communauté Européenne (COMECE),
le 6 décembre 2000
1. En tant qu'évêques de la Commission
des Conférences épiscopales de la Communauté
Européenne (COMECE), nous avons déjà
fourni un travail intense en 1998 au sujet de l'Union
économique et monétaire (UEM). À
l'époque, dans le cadre d'un congrès,
nous nous sommes efforcés de comprendre la
signification profonde qu'a une monnaie commune pour
la coexistence future des peuples de l'Union européenne.
Les nouvelles pièces et les nouveaux billets
en euro seront mis en circulation d'ici un an. Il
s'agira d'un événement crucial dans
la vie quotidienne des citoyennes et des citoyens
de la zone euro. C'est pour cela que nous souhaitons
nous saisir du sujet une fois de plus. Dans un contexte
qui a changé - pour onze États membres
de l'UE, l'euro est déjà une réalité
politique et économique - nous voulons soumettre
aux responsables politiques et à l'opinion
publique européenne quelques principes éthiques
qui devraient être, selon nous, déterminants
pour l'Union monétaire. Nous éviterons
la question de savoir si les citoyens d'États
qui n'ont pas rejoint la zone euro doivent se prononcer
pour ou contre la monnaie unique.
2. En tant qu'évêques, nous sommes certes
des théologiens et des pasteurs mais nous sommes
aussi, bien entendu, citoyens de nos pays et citoyens
de l'Europe. Quelle que soit la manière d'aborder
le sujet de " L'euro et l'Union monétaire
", nous parvenons toujours à une même
première considération : lorsqu'il s'agit
d'une monnaie, la fiabilité et la stabilité
sont primordiales afin de maintenir la confiance dans
une monnaie. L'argent peut faire l'objet de nombreuses
définitions relatives à sa fonction,
sa rareté ou les raisons de sa création.
Toutefois, la confiance est nécessaire et importante
avant tout. Sans confiance, aucune monnaie ne peut
exister durablement. Cela est particulièrement
vrai pour la monnaie européenne, dont la création
et l'évolution sont sans précédent
historique.
3. La monnaie unique et le nouvel ordre monétaire
sont des objectifs essentiels de la coopération
européenne. Ils ouvrent la voie vers la réalisation
d'autres objectifs politiques. À nos yeux,
l'intégration européenne est tout d'abord
synonyme de paix : la paix intérieure, grâce
aux nouvelles formes de dialogue politique et social
et de règlement des conflits que l'Union génère
; paix extérieure aussi, par l'exemple et la
coopération. À l'aune de cet objectif
essentiel, une communauté de solidarité
a été créée par l'Union
monétaire.
4. Dans une première rétrospective
sur les deux dernières années, nous
nous félicitons de la réussite de l'introduction
de l'euro. Nous voudrions contribuer à ce que
ce projet de grande portée soit perçu
et jugé dans une perspective à long
terme. Le début de l'Union monétaire
est intervenu à une époque d'inquiétudes
intérieures et extérieures : l'incertitude
au sujet de la contagion de la crise asiatique en
1998 ; la guerre au Kosovo, dont nous pleurons les
victimes et qui a exigé l'intervention de l'Union
européenne ; et enfin, sur le plan intérieur,
le vide politique causé par la démission
de la Commission européenne. Entre-temps, la
nouvelle Commission a commencé son travail
et un débat sur une réforme fondamentale
de l'Union a été amorcé. Le défi
immédiat de l'adhésion de toute une
série d'autres pays à l'Union européenne
a été relevé.
5. L'introduction sans encombre de l'euro, le 1er
janvier 1999, constitue en soi une raison de se réjouir.
Beaucoup ne pourront pas cacher que lors de la période
précédant la création de l'euro,
ils ont, ne fut-ce qu'une fois, émis des doutes
concernant les critères, les procédures
et la préparation technique censés assurer
une introduction de l'euro réussie et sans
heurts. Le mérite de ce succès revient
à ceux, qui au prix d'efforts extrèmes
ont accepté le poids de la réalisation
des critères économiques d'adhésion
à la monnaie unique. Le mérite en revient
également aux milliers de personnes qui ont
réalisé, souvent dans l'anonymat, la
préparation technique du basculement vers l'euro.
6. Le texte suivant commence par quelques "
orientations fondamentales ". Ensuite, nous nous
exprimons dans la perspective du développement
futur de l'Union monétaire, et ce essentiellement
dans trois domaines :
- Il s'agit tout d'abord de mettre à nouveau
clairement en évidence la signification de
l'euro. L'euro doit être pleinement compris
et accepté par ceux qui en feront bientôt
aussi un usage quotidien.
- En second lieu, nous posons des questions sur les
impulsions de cette nouvelle communauté de
solidarité qu'est l'union monétaire.
- Troisièmement, nous considérons que
la politique monétaire unique des pays de l'Union
monétaire ne sera pas sans effet sur la poursuite
de l'unification européenne.
7. L'Union monétaire instaure une communauté
de solidarité irréversible. Les monnaies
nationales se transforment en euro. L'abandon des
devises nationales et la création ainsi que
la gestion d'une monnaie européenne unique
exigent en effet que l'on agisse davantage en conformité
avec des buts définis en commun. Toute mesure
nationale d'importance prise à l'encontre de
ces principes fondamentaux serait considérée
à juste titre comme une entrave à la
réussite du projet dans son ensemble. Elle
justifierait l'implication des autres pays partenaires.
Dorénavant, les intérêts communs
européens seront déterminants pour l'élaboration
de la politique monétaire. Une institution
a été spécialement mise en place
pour ce faire, le Système Européen des
Banques Centrales, qui est légalement contraint
d'assurer la stabilité des prix dans l'ensemble
de la zone. Mais ce principe de solidarité
vaut également pour les autres parties prenantes
à la politique économique - les gouvernements
et les parlements des États membres, les institutions
de l'Union, les partenaires sociaux, etc. - qui doivent
apprendre eux aussi à travailler de manière
coopérative plutôt que conflictuelle.
8. L'Union monétaire met clairement en évidence
quelques différences entre politique sociale
et monétaire. La tentation est forte de compenser
la disparition de toute politique de change ou de
taux d'intérêts au niveau national par
un renforcement de l'harmonisation des politiques
sociales. Cependant, il convient de reconnaître
la fonction structurelle (et non conjoncturelle) de
la politique sociale. Aussi, une première différence
entre politique sociale et monétaire résulte
de leur tâches bien distinctes. Une deuxième
différence se trouve dans la nécessité
que la politique sociale n'entrave pas la flexibilité
entre les pays membres de l'Union monétaire.
Tout frein à des marchés du travail
plus flexibles sous couvert d'harmonisation se traduirait
par une diminution des possibilités d'emploi.
La politique sociale doit par conséquent être
avant tout l'affaire des États membres pour
rester favorable à l'emploi. Cela vaut pour
la définition de normes sociales minimales,
ainsi que pour d'autres mesures issues des règles
européennes. Cela concerne encore bien davantage
l'organisation des systèmes de sécurité
sociale. Dans une Union monétaire, ces derniers
doivent rester de compétence nationale. Le
contraire, à savoir un système européen
de sécurité sociale imposé d'en
haut, serait une erreur qui anticiperait sur une pleine
union politique, qui mènerait à une
union de transferts sociaux et qui aurait tendance
à alourdir le fonctionnement de l'Union monétaire.
Un effet positif de l'Union monétaire mérite
d'être observé : le pacte de stabilité
et de croissance, adopté afin de soutenir la
monnaie unique, favorise, dans la limite où
il implique une diminution des dettes publiques élevées,
une amélioration de la solidarité entre
les générations. Il s'oppose à
la tentation de faire peser sur les générations
futures le coût de l'absence de réformes
structurelles nécessaires.
9. L'Union monétaire imposera toutefois, sans
nul doute, une intégration européenne
renforcée dans d'autres domaines de la politique
économique, voire, à long terme, dans
la politique au sens le plus large. L'histoire de
l'intégration européenne montre qu'une
dynamique est en marche. Deux ans après l'introduction
de l'euro, les exigences du long terme et les questions
liées à la finalité de l'Union
monétaire viennent au premier plan. Nous devons
aujourd'hui affronter l'évidente difficulté
de définir la finalité de l'intégration
européenne. Mettre en évidence des objectifs
à long terme nous permettra de donner une orientation
plus claire aux prochaines étapes. Dans beaucoup
de domaines, il faudra chercher à établir
un nouvel équilibre entre la souveraineté
nationale et une plus grande efficacité politique.
D'autres orientations sont envisageables. On ne peut
plus exclure, dans une Union européenne qui
s'élargit, que la progression de tous ne soit
favorisée par la coopération renforcée
d'un noyau ferme.
10. Dans une large mesure, l'introduction de l'euro
reste un processus abstrait pour de nombreux citoyennes
et citoyens de la zone euro. Cette perception ne changera
qu'avec la mise en circulation des pièces et
des billets en euro à partir du 1er janvier
2002. Le changement qui interviendra alors aura des
avantages pour certains - le voyageur évitera
les opérations de change et la comparaison
des prix de part et d'autre des frontières
sera facilitée - mais certains désagréments
ne sont pas exclus. Le système nominal change
sans modification dans le pouvoir d'achat. Une connaissance
approximative des prix basée sur l'expérience
risque de se perdre. Les calculs qu'il faudra effectuer
pour convertir l'ancienne monnaie nationale en euro
et qui sont, selon les pays plus ou moins compliqués,
constituent un effort intellectuel important, auquel
il faudra s'habituer. Ainsi, la valeur relative accordée
aux agréments et aux désagréments
ne sera pas la même pour tous. Les avantages
l'emporteront sans doute pour ceux qui sont très
mobiles et peu gênés par les barrières
linguistiques. Pour les autres, le temps d'adaptation
et la perte d'un élément de sécurité
que constituera la disparition de l'ancien système
de valeurs pourraient être ressentis comme un
désavantage. La peur de se tromper ou d'être
trompé pourrait grandir.
11. Au cours de cette période exceptionnelle
du passage à la monnaie unique, les éléments
qui permettent de juger de la fiabilité d'une
monnaie auront d'autant plus d'importance. Les citoyens
accorderont une importance particulière à
la stabilité du pouvoir d'achat de la devise
européenne et à la crédibilité
de ceux qui sont chargés de la garantir. Le
temps qu'il reste d'ici à la mise en circulation
de la nouvelle monnaie constituera pour beaucoup un
test de cette crédibilité. Jusqu'à
présent, on peut se réjouir que les
taux d'inflation évoluent à un niveau
plancher dans la zone euro, ce qui contribue à
renforcer la crédibilité de la nouvelle
Banque centrale européenne.
12. Cette recherche compréhensible de confiance
incite également l'opinion publique européenne
à suivre avec un intérêt particulier
l'évolution du taux de change de l'euro par
rapport au dollar, quand bien même cela relève
davantage de l'évolution économique
dans son ensemble plutôt que de la politique
monétaire de la Banque centrale européenne.
Et les évolutions récentes ont plutôt
inquiété. Il ne faut pourtant pas surestimer
l'importance de la valeur externe de l'euro, dans
la mesure où l'impact de sa variation est limité
par le fait que la part du commerce extérieur
dans la totalité du volume de l'économie
de la zone euro s'est considérablement réduite,
par rapport à ce qu'elle représentait
pour chacun des États individuels. À
l'inverse, l'euro a largement protégé
l'Europe de la crise financière internationale
récente, ce qui n'a pas été le
cas dans le passé : tandis qu'au début
des années quatre-vingt-dix, les turbulences
monétaires entre le dollar, le mark et les
autres monnaies européennes ont nui à
la croissance économique européenne,
la perspective de la monnaie unique a contribué
à protéger l'Europe de la crise financière
qui, à la mi-1997, a débuté dans
les pays à forte croissance d'Asie du sud-est
et s'est rapidement propagée au Brésil
et en Russie. Le cours de l'euro en dollar est alors
un critère important mais non décisif.
De multiples facteurs déterminent la valeur
de l'euro.
13. Enfin, les citoyens ont tendance à juger
l'euro à partir de l'évolution du chômage,
alors que celle-ci résulte d'évolutions
qui dépassent de loin le seul cadre de la politique
monétaire. Dans un souci de clarté,
il serait utile de faire savoir plus explicitement
à l'opinion publique que l'euro en soi n'est
pas un remède miracle dans la lutte contre
le chômage. À lui seul, l'euro ne créera
pas d'emplois. Ses effets seront plutôt indirects.
Une diminution ou une chute du chômage ne peuvent
en tout cas pas constituer un critère de jugement
de la réussite de l'introduction de l'euro.
Pourtant, les gouvernements ne doivent pas perdre
de vue que, pour beaucoup de citoyens en Europe, l'euro
est l'emblème de l'ensemble de la stratégie
économique conduite en Europe, et il y a fort
à penser que si les performances de l'économie
européenne sont décevantes, la crédibilité
de l'euro en pâtira.
14. La solidarité traduit à la fois
compassion et aide. Bien que les deux traductions
soient inévitablement proches l'une de l'autre,
il est utile, de les distinguer l'une de l'autre.
Dans les deux cas, la solidarité peut avoir
des bénéficiaires très différents
et se manifester à différents niveaux.
Ainsi peut-on parler de solidarité entre membres
d'une même famille, entre communautés
plus grandes et plus petites, à l'intérieur
des États ou au-delà des frontières,
de solidarité entre générations.
La solidarité passe de la compassion à
l'aide lorsque les moyens appropriés existent
ou sont à la disposition de l'acteur qui souhaite
en faire l'usage. Enfin, l'instrument utilisé
doit être compatible avec le mal que l'on désire
soigner. Par exemple, l'action conjoncturelle d'un
gouvernement ne suffira pas pour s'attaquer au chômage
structurel.
15. De nombreuses voix s'élèvent pour
inviter la Banque centrale européenne à
placer la politique monétaire au service de
la diminution du taux de chômage. La contribution
de la politique monétaire ne peut toutefois
que contribuer par le maintien de la stabilité
des prix à la mise en place des conditions
favorables à l'activité économique.
L'expérience a montré que les éventuels
effets à court terme d'une politique monétaire
expansionniste sont rapidement compensés par
l'accroissement de l'inflation qui s'ensuivra et qui
affectera essentiellement les propriétaires
d'actifs monétaires et avantagera les propriétaires
d'actifs corporels. En d'autres termes, la lutte contre
l'inflation profite essentiellement à ceux
qui sont économiquement faibles et moins en
mesure de s'en protéger.
16. L'introduction de l'euro aura certainement des
répercussions sur les autres domaines de la
politique économique. En revanche, l'euro n'est
pas un moyen de s'affranchir de la mise en oeuvre
de politiques structurelles courageuses. Puisque l'euro
accroît la pression concurrentielle à
l'intérieur de l'Union, il accélère
la nécessaire mutation de nos économies
en direction d'une plus grande concentration sur leurs
avantages compétitifs. Cette mutation est à
la source de davantage de productivité, de
croissance et donc d'emplois. Vu sous cet angle, l'euro
met en lumière l'urgente nécessité
de profondes réformes structurelles. Il faut
cependant éviter que l'intensification de la
concurrence ne conduise à une exacerbation
de la concurrence fiscale et sociale, qui se traduirait
inéluctablement vers un alignement de tous
sur le moins-disant. Afin de remédier à
ce danger, qui n'est pas à exclure, deux éléments
sont essentiels : la mise en place d'une solidarité
qui permette au maximum de citoyens d'avoir leur place
dans l'édifice social, et une réflexion
approfondie, État par État, du bon équilibre
entre protection sociale garantie et flexibilité
du marché du travail.
17. Toute restructuration économique, de modernisation
et d'innovation technologique fragilise les plus faibles
et le rôle des politiques est de préserver
leurs intérêts. Par conséquent,
il est indispensable, tant au plan national qu'européen,
que des politiques soient mises en oeuvre pour garantir
l'égalité des chances, faciliter l'accès
de tous aux marchés des biens et du travail
et, par-là, encourager l'effort personnel.
Des réformes sont nécessaires dans le
domaine de la formation professionnelle. Dans l'esprit
de l'éthique sociale chrétienne, la
solidarité de tous à l'égard
des plus faibles doit être garantie par tous
au travers de mesures publiques de compensation destinées
à amortir les plus grandes inégalités
sociales.
18. La solidarité définie comme compassion
ne peut être divisée. Elle vaut pour
tous les hommes dans le monde entier. Dans le cas
de la solidarité définie comme aide,
il convient en outre d'évaluer si les populations
d'autres parties du monde peuvent être aidées
- et comment. Cela concerne également la politique
monétaire de la zone euro. Un effet stabilisateur
planétaire de l'euro en compétition
avec le dollar américain aurait été
souhaitable, plus particulièrement du point
de vue des plus pauvres dans les pays qui ont dû
lutter contre une forte dévaluation durant
ces dernières années. Toutefois, la
force d'une devise dans une région du monde
ne peut pas durablement offrir aux autres une fonction
de protection tant que les régions concernées
ne réunissent pas elles-mêmes les conditions
de la stabilité monétaire.
19. L'extension de la stabilité monétaire
constitue pour les pays de l'Union monétaire
un avantage important qui n'a pas pu être acquis
sans une mobilisation importante. Par conséquent,
les autres pays désireux de prendre part à
cet avantage doivent également respecter les
règles de stabilité. Il est fondamentalement
faux d'affirmer que l'Union monétaire érigera
de nouveaux murs. L'euro ne sépare pas, il
construit un pôle de stabilité, dont
d'autres pays profitent. Si on regarde l'euro comme
un mur de séparation, l'alternative serait
un retour de la compétition entre monnaies.
Cette alternative ne serait rien d'autre que de renoncer
à parvenir ensemble à la croissance
et à la stabilité à une large
échelle. Dans un contexte international encore
plus vaste, il donne à l'Europe une autonomie
et une sécurité de la politique monétaire
qui contribuent au bien de tous. Lors des récentes
crises financières internationales, l'Union
monétaire européenne a déjà
eu un effet stabilisateur sur l'économie des
pays de la zone euro. Elle l'a eu également
à l'égard des autres pays, plus particulièrement
les pays voisins d'Europe centrale et orientale. Ici
également, l'Union monétaire a servi
de protection contre la contagion. L'Union monétaire
n'est bien entendue pas un club fermé, mais
plutôt une communauté qui est programmée
pour accroître le nombre de ses membres.
20. Le Traité de la Communauté européenne
laisse les États membres responsables de la
politique budgétaire. Cela correspond à
la conception normale de la démocratie qui
exige un contrôle du citoyen sur l'impôt
ainsi que sur la structure actuelle de l'Union. Une
procédure de coordination approfondie mais
respectueuse de la souveraineté a été
introduite afin d'éviter des déficits
excessifs dans les États membres, qui constitueraient
un danger pour la stabilité de l'euro. Les
pays qui se comportent de façon non solidaire
s'exposent, notamment, à des sanctions financières.
Dans la pratique, cette procédure progressive
doit encore être soumise à l'épreuve
des faits, mais elle est clairement destinée
à prévenir l'accumulation de déficits
budgétaires excessifs chez les partenaires.
En tout cas, cela démontre que l'Union ne se
développe pas en tant qu'État ni super-État,
mais en tant que création sui generis avec
des nouvelles obligations d'éthique sociale.
21. L'Union monétaire est une création
tournée vers l'avenir. Dans ce sens, elle ne
se réalisera pleinement que si elle préfigure
de nouvelles étapes vers davantage d'intégration.
L'Union monétaire est un acte d'espoir. Il
s'agit d'une décision qui appelle des étapes
ultérieures.
22. L'argument économique pour la mise en
place de l'Union monétaire, c'est-à-dire
la préservation et l'achèvement du marché
commun, ne suffit pas à justifier la monnaie
unique. Une intégration monétaire d'une
telle ampleur se prolonge toujours par une intégration
politique. À l'époque du tournant décisif
de la fin des années quatre-vingt, le projet
de l'Union monétaire est né pour des
raisons politiques. Ce qui a été constitué
politiquement à l'époque ne peut pas
se dépolitiser, ni aujourd'hui, ni demain.
L'union monétaire ne réalisera son objectif
à long terme que si la dimension politique
de l'intégration européenne est pleinement
reconnue et assumée. La monnaie européenne
n'a rien de neutre et n'est pas quelque chose qui
obéit uniquement à ses propres lois.
Il est de plus en plus évident qu'à
long terme un " saut en avant" vers une
coopération politique encore plus étroite
sera à l'ordre du jour.
23. Gardant à l'esprit cet objectif à
long terme, il est essentiel désormais de réfléchir
de manière approfondie à ce que doivent
être les prochaines étapes de l'intégration
politique. Certaines étapes ont d'ores et déjà
été identifiées : une plus grande
harmonisation de certaines bases fiscales (chiffre
d'affaires, environnement, revenus du capital) s'impose,
sans laquelle les progrès de l'intégration
s'accompagneraient d'une régression de l'équité.
Des pratiques fiscales déloyales des États
membres ne doivent pas créer des distorsions
à la concurrence. L'adoption d'une Charte des
droits fondamentaux commune, dans laquelle des éléments
sociaux trouvent leur place, est également
un événement important. Il faut en outre
mentionner les avancées, si impérieusement
requises depuis le conflit du Kosovo, dans la mise
en place d'une politique de défense et de sécurité
commune.
24. L'Union monétaire démontre clairement
que le cadre institutionnel ne gagne souvent en contenu
et en durée que grâce à l'identification
d'une finalité commune - comme par exemple
la fixation de l'objectif de stabilité monétaire
dans le Traité. La finalité n'est certes
pas tout. Mais il n'est rien sans elle. La même
constatation s'applique aux prochaines adhésions
à l'Union. À défaut d'accord
sur les objectifs à long terme d'une Europe
unie, toutes les dispositions institutionnelles manqueront
de points de repère décisifs.
25. Deux ans après l'introduction de l'euro,
l'Union monétaire a déjà apporté
la preuve de sa stabilité. Elle est devenue
un facteur stabilisateur pour l'avenir. L'espoir d'une
Europe solidaire s'exprime en elle. Elle ouvre la
voie vers de nouvelles solidarités, tant vers
l'intérieur que vers l'extérieur. À
l'intérieur et après une consolidation
plus approfondie, la dynamique de l'Union monétaire
sera de plus en plus déterminée par
la manière dont l'Union continuera à
s'approfondir sur le plan politique. Vers l'extérieur,
l'Union monétaire contribue, en cette période
de mondialisation rapide, à la préservation
d'un modèle social européen. Les citoyens
attendent la perspective d'une Europe solidaire et
pas seulement un système monétaire qui
fonctionne bien. Ils seront, alors, disposés
à accepter avec patience d'éventuels
désagréments lors de la période
d'adaptation à l'euro.
Bruxelles, le 6 décembre 2000
Les évêques de la Commission
des Épiscopats de la Communauté Européenne
:
Mgr Josef HOMEYER, évêque
de Hildesheim (Allemagne), Président de la
COMECE,
Mgr Teodoro DE FARIA, évêque de Funchal
(Portugal),
Mgr Luk DE HOVRE, évêque auxiliaire de
Bruxelles (Belgique),
Mgr Joseph DUFFY, évêque de Clogher (Irlande),
Mgr Fernand FRANCK, archevêque de Luxembourg,
Mgr Crispian HOLLIS, évêque de Portsmouth
(Angleterre et Pays de Galles),
Mgr Egon KAPELLARI, évêque de Gurk (Autriche),
Mgr William KENNEY, évêque auxiliaire
de Stockholm (Suède),
Mgr John MONE, évêque de Paisley (Écosse),
Mgr Attilio NICORA, Conférence épiscopale
d'Italie,
Mgr Hippolyte SIMON, évêque de Clermont
(France),
Mgr Adrianus VAN LUYN, évêque de Rotterdam
(Pays-Bas),
Mgr Elías YANES ALVAREZ, archevêque de
Saragosse (Espagne)
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