Lettre d'information

De l’autel comme « seuil »

correspond donc d’abord à un point de convergence et d’aboutissement. De ce point de vue, les débats sur l’orientation du prêtre à l’autel ne doivent pas oublier que l’orientation fondamentale des chrétiens est donnée par l’action liturgique elle-même. Il s’agit bien ainsi d’être « tournés vers le Seigneur » en se rappelant que sa présence se manifeste à travers diverses médiations dont la première est le mémorial lui-même : « Pour accomplir une si grande oeuvre, le Christ est toujours présent à son Eglise, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe… » (5). Et pourtant, si l’on peut parler de l’autel comme seuil, c’est bien surtout en raison du fait qu’il est d’une certaine manière la mémoire et la promesse d’un franchissement.

Sur le plan de la mémoire, l’Epître aux Hébreux souligne la traversée pascale réalisée par la Pâque du Christ qui est la pierre de fondation du culte chrétien : « C’est par une tente plus grande et plus parfait, qui n’est pas oeuvre des mains – c’est-à-dire qui n’appartient pas à cette création-ci – , et par le sang, non pas des boucs et des veaux, mais par son propre sang, qu’il [le Christ] est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire et qu’il a obtenu une libération définitive » (He 9, 11-12) (6). L’autel chrétien est donc le mémorial du Christ qui s’est présenté comme la porte : « Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé… » (Jn 10,9a).

La liturgie ramène sans cesse aux médiations. Le salut n’est accessible qu’au prix d’un « passage » que l’autel signifie parce qu’il est le lieu du sacrifice eucharistique. Ce passage de la mort à la vie a un prix que Dieu lui-même a assumé. Gratuité du salut donc, mais sans oublier avec D. Bonhoeffer que la grâce a un prix. Les marques de vénération liturgique envers l’autel (baiser, encensement…) ramènent à cette figure christologique du Christ « porte » qui nous accueille dans son passage vers le Père. Si la densité est une qualité essentielle de l’autel, en contre point, sa discrétion en est une autre tout aussi fondamentale. C’est en effet la discrétion qui seule permet aux participants de s’inscrire dans l’action par laquelle s’effectue le passage.

La liturgie dont le centre est « l’autel seuil » porte également la promesse d’un franchissement car la mémoire du passage christique est en même temps la promesse de notre passage. L’autel organise donc l’espace liturgique en laissant apparaître d’un côté un « espace d’accueil » où nous pouvons prendre place et un « espace de gloire », une sorte de silence spatial qui ouvre l’horizon de la célébration sur l’infini de l’eschatologie mais aussi sur le monde comme lieu de la mission : « (…) Jésus, pour sanctifier le peuple par

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