Déployée sous l'impulsion de Jean XXIII
puis de Paul VI, la diplomatie réaliste du Saint-Siège,
appelée Ostpolitik, impliquait de nouer des contacts
avec un système communiste apparemment fait pour
durer. Devenu pape, Jean-Paul II n'a pas bouleversé
ce choix, mais a poursuivi la résistance spirituelle
menée quand il était archevêque
de Cracovie. Le face à face qui l'oppose pendant
une dizaine d'années au pouvoir communiste est
rythmé par ses voyages successifs en Pologne,
comme autant de catalyseurs de la crise et de son évolution.
Jean-Paul II soutient le mouvement Solidarnosc, dès
ses débuts, à mots à peine couverts.
Face aux menaces d'intervention des forces du pacte
de Varsovie, il s'adresse à Leonid Brejnev pour
défendre la souveraineté de la Pologne.
En janvier 1981, il reçoit chaleureusement Lech
Walesa au Vatican. La résistance du pays, encadrée
par l'Église et soutenue par le pape, ainsi que
l'effondrement de l'économie polonaise ont ainsi
fait échouer, pour la première fois à
l'Est, une entreprise de normalisation communiste. Le
1er décembre 1989, celui qui est encore à
la tête de l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev, est
reçu au Vatican, mais l'Union soviétique
disparaît dans la tourmente de la fin de l'année
1991.
Avec la dislocation de la Yougoslavie, la ligne de fracture
historique entre orthodoxes et catholiques qui traverse
les Balkans place la diplomatie vaticane dans une situation
difficile. Le 13 janvier 1992, le Saint-Siège
reconnaît l'indépendance de la Croatie
et de la Slovénie, les deux États de tradition
catholique de l'ex-Yougoslavie. Le délabrement
de l'empire communiste permet à Jean-Paul II
d'effectuer enfin de l'autre côté du "
mur " des voyages dans les anciennes républiques
socialistes.
Le Premier de ses voyages à l'Est est en Tchécoslovaquie
en 1990, puis en 1994, Jean-Paul II se rend à
Zagreb, mais pas à Belgrade, et doit attendre
1997 pour aller à Sarajevo.
L'impact
des voyages
À l'Ouest également, la diplomatie du
Saint-Siège a été marquée
par les voyages de Jean-Paul II. Ces visites ont-elles
directement influencé le cours de l'histoire
dans ces États ? Il est difficile de généraliser
des situations diverses. " Je ne prêche pas
la démocratie, je prêche l'Évangile
", argue le pape. Aux Philippines, où Jean-Paul
II s'est rendu en 1981, la campagne de résistance
passive menée par le cardinal Jaime Sin contre
Marcos a poussé à l'exil le dictateur
en 1986. À Cuba, en janvier 1998, le pape a clairement
réaffirmé son opposition à l'embargo
imposé depuis 35 ans par les Etats-Unis. Que
ce soit pour Cuba, mais aussi pour l'Irak ou la Serbie,
le Vatican a toujours critiqué les mesures de
rétorsion dont les populations sont les premières
victimes, et qui n'ont pas d'effets politiques rapides.
On peut lire par ailleurs la politique menée
par Jean-Paul II par rapport aux droits de l'homme et
face aux conflits, le pape dénonçant la
course aux armements ou encore prônant le droit
d'intervention humanitaire. Les drames de l'Afrique
(Rwanda, Soudan) ont été ressentis douloureusement
par celui-ci. Quant au Proche-Orient, le pape a tenté
d'aider à la recherche de solutions : il a reçu
à plusieurs reprises les responsables politiques
israéliens et palestiniens (Arafat, Peres), tandis
que le Saint-Siège a plaidé à propos
de Jérusalem et de ses Lieux Saints pour un "
statut spécial internationalement garanti ".
À
la tribune des organisations internationales
La diplomatie du Saint-Siège est présente
sur la scène internationale depuis mille six
cents ans. Jean-Paul II s'est inscrit dans cette continuité
en amplifiant cette présence. D'abord par ses
voyages, mais aussi par le nombre d'audiences accordées
au Vatican à de nombreux chefs d'État
et personnalités politiques. Par ailleurs, l'accroissement
des représentations diplomatiques se traduit
à la fois par le nombre de pays entretenant des
relations avec le Vatican et par celui des nonciatures
(172 des 189 États membres de l'ONU aujourd'hui
contre 85 sur 148 en 1978). Si l'établissement
de relations avec Israël en 1994 est l'aboutissement
de longues négociations, celles avec la Chine
et le Vietnam restent à normaliser.
La diplomatie multilatérale s'est également
développée : le Saint-Siège est
aujourd'hui présent à titre d'observateur
dans un nombre croissant d'organisations internationales.
Les messages adressés par Jean-Paul II à
l'occasion de visites - de la tribune de l'ONU, de l'UNESCO
ou encore du Parlement européen - ont eu un retentissement
réel. Quant aux délégations du
Saint-Siège aux conférences internationales,
elles ne sont pas restées inactives, on l'a constaté
notamment lors des conférences au Caire en 1994
sur la population et à Pékin en 1995 sur
les femmes. Soucieuse que l'homme, y compris dans sa
dimension spirituelle, soit toujours pris en considération,
l'Église estime que sa voix doit être entendue
là où de grandes options modèlent
les formes de vie sociale et de coopération économique
et culturelle.
Morceaux
choisis
" Le communisme est tombé
tout seul à cause de sa faiblesse immanente.
" Entrez dans l'espérance, 1994
" Bien au-delà d'une
aire géographique précise : les révolutions
non violentes de 1989 ont prouvé que la recherche
de la liberté est inaliénable et qu'elle
découle de la reconnaissance de la dignité,
de la valeur inestimable de la personne humaine. " discours à l'ONU, New York, 5 octobre 1995,
DC n° 2125, p. 918
" Le droit international a été
pendant longtemps un droit de la guerre et de la paix.
Je crois qu'il est de plus en plus appelé à
devenir exclusivement un droit de la paix conçue
en fonction de la justice et de la solidarité.
Et, dans ce contexte, la morale doit féconder
le droit ; elle peut même exercer une fonction
d'anticipation sur le droit dans la mesure où
elle lui indique la direction de ce qui est juste et
bien. " discours au corps diplomatique, 13 janvier 1997,
DC n° 2154, p. 156
Balises:
2
octobre 1979 :
discours à l'assemblée générale
de l'ONU à New York
2
juin 1980 :
discours à l'UNESCO à Paris
15
janvier 1981 :
audience à une délégation
de Solidarnosc
13
janvier 1987 :
audience au général Jaruzelski
1er
décembre 1989 :
visite officielle de Mikhaïl Gorbatchev
15
janvier 1991 :
lettres à George Bush et Saddam Hussein
5
février 1991 :
visite officielle de
Lech Walesa, président polonais
30
décembre 1993 :
signature d'un accord
entre le Saint-Siège et Israël
5
octobre 1995 :
discours à l'assemblée
générale de l'ONU à New York
15
février 2000 :
signature d'un accord
entre le Saint-Siège et l'OLP