Dès son élection
en 1978, Jean-Paul II juge " irrévocable " l'engagement cuménique
de l'Église catholique et veut poursuivre l'élan donné par
ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI. Des avancées ont
été accomplies, mais ce chemin reste difficile à double titre
: sur le terrain, le Pape est confronté à des contextes politiques
délicats ; sur le fond, il se heurte encore à un cadre théologique
complexe.
"Ce souci du Pape s'est traduit par un certain
nombre de gestes symboliques, comme l'ouverture d'une porte sainte du Jubilé
2000 à Saint-Paul-hors-les-murs avec des représentants d'autres
confessions, la célébration cuménique des " témoins
de la foi " du XXe siècle au Colisée, ou encore les méditations
du chemin de croix du Vendredi saint confiées à des non-catholiques.
Jean-Paul
II entretient des liens réguliers avec les responsables des confessions
chrétiennes, se rendant notamment à Cantorbéry chez les anglicans,
à Genève au conseil oecuménique, et à Istanbul chez
les orthodoxes, ou recevant les mêmes au Vatican. Seuls les projets de rencontre
avec le patriarche Alexis de Moscou ont pour l'instant tourné court. Durant
ses voyages, il a toujours rencontré les responsables locaux des autres
communautés chrétiennes.
À l'égard
des protestants, Jean-Paul II a poursuivi l'entreprise de réhabilitation
de Luther. L'excommunication prononcée contre ce dernier de son vivant
n'est pas levée mais jugée " sans effet " après
sa mort. Il a parallèlement rendu un hommage appuyé à deux
autres grands protestants condamnés en leur temps par Rome, Calvin et Jan
Hus. Sur le plan théologique, une recherche commune a abouti à une
déclaration conjointe avec les luthériens faite en 1999 sur la doctrine
de la justification, qui met en quelque sorte un terme au débat historique
entre les deux confessions sur le salut par la grâce ou par les uvres.
Avec
les orthodoxes, la situation s'est avérée plus délicate,
en raison de la situation politique (chute du communisme à l'Est et guerre
des Balkans). La question de la cohabitation des orthodoxes et des catholiques
de rite oriental (les " uniates ") s'est posée en de nouveaux
termes dans quelques pays comme l'Ukraine : problème de la restitution
des lieux de culte confisqués sous Staline, ou encore de la nomination
d'administrateurs apostoliques catholiques latins en Russie, notamment. Des solutions
d'apaisement ont été esquissées avec la publication en 1993
à Rome d'un Directoire pour l'application des principes et des normes sur
l'cuménisme, et par une commission mixte réunie à Balamand
au Liban la même année.
Le rapprochement
théologique avec les anglicans s'est poursuivi avec une commission mixte
qui a abouti à plusieurs avancées, même si la question de
l'intercommunion demeure non résolue pour le moment. Ces contacts ont connu
une crispation lorsque l'Église anglicane d'Angleterre a décidé
en 1994 d'ordonner prêtres des femmes. La lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis
a réitéré la tradition constante dans l'Église catholique
du sacerdoce réservé aux hommes. Il n'empêche que les relations
restent bonnes dans l'ensemble, comme l'a montré la visite du chef de l'Église
anglicane, l'archevêque de Cantorbéry, faite au Pape le 4 octobre
2003.
Le
geste du Pape dans son encyclique Ut unum sint
Au total,
le travail de fond déjà accompli par Jean-Paul II en matière
cuménique demeure important, car il inclut également le rapprochement
opéré avec plusieurs Église orientales. Mais il se situe
dans
un contexte historique ardu, et il est parfois rendu
difficile, comme lorsque la congrégation pour la Doctrine de la Foi a tenu
en 2000 à rappeler dans la déclaration Dominus Iesus les distinctions
faites par l'Église catholique entre " Églises " et "
communautés ecclésiales ". Jean-Paul II reconnaît toutefois,
dans son encyclique Ut unum sint en 1995, que la question de la primauté
de l'évêque de Rome demeure un sujet de blocage. Il demande l'aide
de tous pour trouver des " formes nouvelles d'exercice " de ce ministère.
Balises
-
28 novembre 1979 : première visite au patriarche Dimitrios de Constantinople
- 29 mai 1982 : célébration cuménique avec Jean-Paul
II à Cantorbéry - 1982 : déclaration de Foi et Constitution
du CE sur Baptême, eucharistie et ministère - 11 décembre
1983 : première homélie d'un pape dans l'église luthérienne
de Rome - 12 juin 1984 : visite au conseil oecuménique des Églises
à Genève - 25 mars 1993 : Directives pour l'application des
principes et des normes sur l'cuménisme - 23 juin 1993 : l'uniatisme
considéré à Balamand comme " méthode d'union
du passé " - 25 mai 1995 : lettre encyclique Ut unum sint
- 7 mai 1999 : première visite du Pape dans un pays orthodoxe, la Roumanie
- 31 octobre 1999 : déclaration conjointe à Augsbourg avec la fédération
luthérienne mondiale sur la doctrine de la justification - 18 janvier
2000 : ouverture cuménique de la porte sainte à St-Paul-hors-les-murs
- 7 mai 2000 : célébration des témoins de la foi au Colisée
- 30 juin 2000 : note de la cong. pour la Doctrine de la Foi sur l'expression
" Églises surs " - 5 septembre 2000 : déclaration
de la congrégation pour la Doctrine de la Foi Dominus Iesus sur l'unicité
et l'universalité salvifique de Jésus Christ - 6 mai 2001 :
demande de pardon aux orthodoxes lors d'un voyage en Grèce - 8-13 mars
2002 : visite d'une délégation du Saint-Synode de l'Église
orthodoxe de Grèce - 12 octobre 2002 : visite du Patriarche Theoctiste
de l'Église orthodoxe de Roumanie et signature d'une déclaration
commune avec Jean-Paul II à Rome - 4 oct. 2003: visite du Dr Rowan
Williams, archevêque de Cantorbéry, chef de l'Église anglicane
Extraits
"
Il existe une légitime diversité qui, en aucune façon, ne
s'oppose à l'unité du Corps du Christ, mais au contraire rehausse
la splendeur de l'Église et contribue fortement à sa mission. Aucune
de ces richesses ne doit être perdue dans la pleine unité à
laquelle nous aspirons. "
Au patriarche Diodoros de Jérusalem,
25 mars 2000, Documentation Catholique n° 2224, p. 383
"
Je prie l'Esprit Saint de nous donner sa lumière et d'éclairer tous
les pasteurs et théologiens de nos Églises, afin que nous puissions
chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère
pourra réaliser un service d'amour reconnu par les uns et par les autres.
"
Encyclique Ut unum sint, 25 mai 1995, Documentation Catholique
n° 2118, p. 593
" Rappelons-nous, par ailleurs, que
le Seigneur Jésus a chargé Pierre d'une mission pastorale lui demandant
de veiller à l'unité du " troupeau ". Le ministère
du successeur de Pierre comprend donc également le service de l'unité,
et cette responsabilité s'exerce jusque dans la dimension cuménique.
La tâche du pape est de chercher inlassablement les voies qui permettent
d'affermir l'unité. Il ne doit pas créer des obstacles, mais au
contraire ouvrir des voies. "
Entrez dans l'espérance, entretiens
avec V. Messori, Plon/Mame, 1994, p. 231